COMMUNE DE VERNIER
INTERPELLATION
au sens de l’article 47 du règlement du Conseil municipal de Vernier
ActuVernier, faut-il vraiment que la censure torde le cou à Voltaire et Alexis de Tocqueville?
Mesdames, Messieurs,
Le 29 septembre, le PDC voyait son texte pour ActuVernier censuré au motif, je cite «le Comité de rédaction vous demande de bien vouloir revoir certains points contraire au règlement selon l’article 5 alinéa 1. Vous trouverez ci-joint en jaune les passages concernés.»
Quel était donc ce texte si dérangeant qu’il méritait la guillotine du Comité de rédaction, au sein duquel siège un conseiller administratif ?
Je vais vous le lire. Il s’intitule :
Vernier, vers la fin des tranchées ?!
Une nouvelle législature, c’est aussi le moment de la répartition des présidences des diverses commissions au sein desquelles nos élus travaillent et qui font rapport au Conseil Municipal.
Il s’agit donc de définir en particulier quel parti va assumer la présidence des Commissions de l’aménagement, des finances, de la culture, du génie civile, des naturalisations, de la sécurité, des sports et la commission sociale.
De tout temps, le verdict des urnes a arbitré les priorités. Les partis ayant obtenu le plus de voix ont la préférence du choix.
Las, pour certains, la tyrannie de la majorité l’emporte sur le respect de la démocratie.
C’est ainsi que les partis PS, Verts et PLR se sont ligués pour s’accaparer les commissions qu’ils exigeaient, faisant fi autant du résultat des urnes que des compétences des autres partis.
Ils oublient que la vraie démocratie se cultive. Elle évite que les conflits ne se reproduisent. Elle n’attise pas les haines, mais organise le débat et les discussions. Elle bâtit des majorités sans écraser les minorités.
Ces principes bafoués, le PDC a préféré renoncer à la présidence de toute commission, plutôt que de se prêter à un semblant de démocratie.
Puissent les blessures du passé s’estomper afin que le Conseil municipal sorte des tranchées que certains ont voulu creuser ! Le PDC s’appliquera sans discontinuer à faire revenir un peu de sérénité afin qu’un travail constructif s’articule autour des intérêts des habitants de Vernier.
Les passages mis en exergue sont «la tyrannie de la majorité, les partis PS, Verts et PLR se sont ligués pour s’accaparer les commissions qu’ils exigeaient, Ces principes bafoués».
Pour rappel, selon le règlement, nos articles «ne doivent être ni polémiques, ni dénigrants ou diffamatoires, ni s’en prendre à quelqu’un de manière directe ou allusive, mettant en cause son intégrité en portant atteinte de quelque manière que ce soit à son honneur, à sa vie privée ou à son image».
Notre texte était-il jugé diffamatoire, s’en prenait-il à quelqu’un, était-il dénigrant ou polémiste ?
Nous ne le saurons jamais.
Aucune motivation, principe cardinal de toute décision sous peine de violer le droit d’être entendu, ne précise en quoi il violerait l’al. 1 de l’art 5.
Mieux, pour être publiés, nous avons été contraints – le terme est approprié – de le modifier.
Alors, me direz-vous, peu importe.
Eh bien non, c’est bien là que nous n’entendons pas subir l’arbitraire d’une telle décision.
Ne pouvons-nous plus dire ce qu’il se passe dans notre commune, si cela froisse uniquement la susceptibilité exacerbée de certains ?
Le Conseil de rédaction aurait-il oublié que Voltaire, lui s’écriait au 18ème siècle, soit au temps de la monarchie absolue : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. » ?
Notre texte ne violait – un terme devenu dangereux ? – en rien l’art. 5 du règlement.
L’une des plus grandes références de la philosophie politique libérale du 19ème siècle, Alexis de Tocqueville est connu pour son analyse de l’évolution des démocraties occidentales.
Que disait-il ? En substance, tout le mal de l’évolution possible de la démocratie vers une dictature de la majorité. Il craignait déjà que le pouvoir démocratique puisse s’avérer oppressif à l’égard de la minorité qui a nécessairement tort puisqu’elle est minoritaire.
En d’autres termes, il dénonçait déjà la poursuite de l’égalité au détriment exclusif d’une partie de la population, alors que le vote traduit en réalité des divergences d’intérêt et de convictions au sein de la société.
Pour lui, la tyrannie de la majorité était un risque de notre démocratie. Au temps de l’internet, il suffit de pianoter cette expression pour aboutir aux travaux de cet auteur.
C’est dire que cette expression, tout comme les autres, n’étaient en rien contraires à l’art. 5 du règlement.
Cette expression et ce texte se bornaient à dénoncer des actions politiques, sans aucune polémique, sans aucun dénigrement de quiconque, sans diffamation ou désignation d’une quelconque personne.
En juger autrement revient à donner un caractère politique à la censure émise, ce qui n’est en rien conforme ni au texte, ni au but de ce règlement.
Nous ne sommes pas dans une dictature, du moins je l’espère, et quiconque ne peut s’arroger le droit d’interdire de dénoncer des faits, même si la forme ne plait guère au pouvoir en place.
Elus pas le peuple, nous n’entendons pas être retoqués de cette manière, sans au moins saisir les motivations et comprendre la philosophie voulue par le Conseil administratif, organe de recours du Comité de rédaction.
Il est d’ailleurs singulier, pour ne pas dire anachronique et illicite, qu’une personne siège à la fois tant dans l’instance décisionnelle que dans l’instance de recours.
Il serait bon que le Comité de rédaction trouve en son sein un «sage» indépendant, et non plus un élu dont il peut-être compréhensible que la sensibilité puisse être ébranlée au point de se commuer en suceptibilité.
Le PDC prie dès lors le Conseil administratif de fournir toutes explications sur :
- les raisons pour lesquelles le Comité de rédaction du journal communal ne motive pas ses décisions de censure fondées sur l’art. 5 du règlement idoine,
- la politique de censure menée dans le journal communal, en particulier les définitions qu’il donne aux termes de contenus polémiques et dénigrants,
- les raisons, l’opportunité et la licéité de la présence d’un conseiller administratif au sein du Comité de rédaction, alors que l’organe de recours contre les décisions de ce dernier est précisément le Conseil administratif.
- l’opportunité d’avoir recours à une personne indépendante pour se prononcer sur la violation ou non du règlement.
Pour le PDC :
Yves Magnin
Conseiller municipal